Une actualité peu réjouissante (23 octobre 2010)

L’heure étant à la morosité et même parfois à l’inquiétude, nous nous sommes un peu mis en veilleuse depuis quelques semaines attendant une nouvelle enthousiasmante pour apporter espoir à nos lecteurs.

Le temps passe…sans que vienne l’annonce de beaux jours... et loin de nous de faire ici référence à la situation troublée que traverse notre pays et qui occupe tous les esprits mais est, bien évidemment, hors de l’objet de ce site, chacun le comprend.

Niger - Arlit : l’inquiétude a commencé le 16 septembre après l’enlèvement par des hommes armés, à leur domicile et en pleine nuit, de sept personnes, dont un salarié Areva, son épouse et cinq salariés de Sogea-Satom, filiale du groupe Vinci. Les anciens d’Areva que nous sommes, dont beaucoup ont vécu au Niger, partagent l’émotion et l’inquiétude des familles, amis et collègues, qui espèrent le retour des sept otages mais, tous, nous nous préparons à une attente longue. Aucun de ceux d’entre nous qui se sont passionnés pour leur travail à Arlit et pris d’affection pour un peuple déshérité n’aurait imaginé qu’un jour le terrorisme viendrait tirer leurs amis de leur sommeil.

Au-delà des craintes pour les otages, l’instabilité au Niger et les menaces terroristes font bien sûr planer un doute sur les ambitions et les espoirs fondés sur ce pays.

Pour ce qui est de nos thèmes habituels (environnement et climat, énergie et nucléaire) les nuages l’emportent de loin sur les éclaircies :

Environnement / Climat : que les réunions préparatoires à celle de Cancun (29 novembre) se tiennent à Bonn ou à Tianjin (Chine), les progrès y ont été trop faibles pour qu’on puisse espérer un accord à Cancun. Les tractations restent bloquées par l’antagonisme sino-américain. Il n’y a aucun progrès sur les points importants tels que : qui s’engagera à réduire et de combien ? Y aura-t-il un accord commun ou de simples déclarations unilatérales ? Quelle est la liste des gaz à effet de serre considérés ? Y-aura-t-il un mécanisme de transfert de technologies pour permettre l’aide aux pays les moins avancés et les plus exposés ? Personne ne croit sérieusement que la conférence de Cancun apportera des réponses à toutes ces questions et le découragement gagne certains participants.

En revanche il est possible qu’il y ait un accord sur le système de lutte contre la déforestation des pays tropicaux. C’est important mais cela ne règle pas l’ensemble du problème, loin de là.

En France : les premiers arbitrages consécutifs à la remise du « Rapport Roussely » sont tombés. Areva et EDF ont commencé leur mise en œuvre : leur succès collectif est essentiel pour reconstituer le champion français de jadis. Le chemin à parcourir reste long et pas totalement dégagé. EDF, comme Areva, ne sont en outre pas encore à l’abri de nouvelles déconvenues dans la réalisation des premiers EPR.

Le chemin est trop long, en tout cas, pour permettre à GDF SUEZ d’ambitionner de devenir, à horizon prévisible, un second champion français : la priorité est de reconstruire le premier. GDF SUEZ en a tiré la leçon et s’est retiré du projet Penly 3 (2ème EPR français) où il n’avait rien à espérer. C’est dommage car GDF SUEZ est un atout français dans le nucléaire et un des leaders mondiaux en matière d’énergie.

En ce qui concerne également l’actualité française récente, chacun a pu noter l’annonce de la nouvelle baisse du prix de rachat de l’électricité voltaïque des grosses installations et la réduction de moitié du crédit d’impôt lié à l’investissement de panneaux photovoltaïques pour ce qui est des particuliers. Evidemment une telle annonce n’a pas manqué de déclencher une charge violente du lobby des installateurs et les jérémiades des particuliers : à croire que, dans ce pays, les gens ne s’intéressent à la protection de l’environnement et aux économies d’énergie que dans la mesure où ils en tirent un bénéfice financier, immédiat si possible.

En Allemagne : Le gouvernement a décidé de donner un sursis de 14 ans aux centrales nucléaires les plus récentes, 8 pour les plus anciennes…une grande partie des gains potentiels des électriciens devant aller subventionner le développement des énergies renouvelables sans parler du paiement d’une nouvelle taxe sur le combustible.

Malgré les efforts de la Chancelière pour expliquer que le nucléaire servira de passerelle transitoire vers le « tout renouvelable » et le lancement d’un ambitieux plan ‘vert’ la décision ne passe pas auprès d’une opinion publique hostile. Le Parti Social-Démocrate et les Verts se proposant de déposer un recours devant le Tribunal Fédéral contre la remise en cause de la loi de 2002 de sortie du nucléaire, le suspense continue.

En Suède : Les choses ont avancé favorablement, le gouvernement et le parlement ont fait volte face sur le nucléaire. Ils se sont déclarés pour la construction, le moment venu, de nouveaux réacteurs sur les sites existants. Par ailleurs, après une trentaine d’années de travaux, SKB, l’organisme en charge du stockage définitif des combustibles est prêt à déposer sa demande de construction du stockage de Forsmark.

Les élections générales qui sont intervenues il y a un mois sont toutefois venues tempérer le bel optimisme : la coalition conservatrice a remporté les élections mais ne détient plus la majorité. Ne voulant pas gouverner avec l’Extrême-Droite, le parti conservateur va donc devoir composer avec les Verts ou les Socialistes hostiles au nucléaire…de sorte que la relance risque d’être un peu sportive. La récente sortie d’une étude selon laquelle l’hydroélectrique et le nucléaire sont les moyens les plus économiques de produire de l’électricité, loin devant l’éolien, devrait pouvoir aider. L’éolien est plus cher que l’hydraulique de 65 % et que le nucléaire de 50 %.

Aux Etats-Unis : les projets de nouvelles centrales avancent bien MAIS la crise étant là, les besoins d’électricité ont chuté. En outre, alors que rien ne laissait prévoir, il y a encore deux ans, l’essor des gaz non conventionnels (gaz de schistes notamment), ceux-ci représentent aujourd’hui 40 % de la production américaine de gaz et les réserves de gaz du pays ont été multipliées par 5 en 3 ans. Dans un tel contexte les timides efforts de soutien de l’administration démocrate n’ont que des effets très lents.

Si, outre ce contexte peu favorable, l’électricien n’est pas très bon, ce qui semble être le cas de Constellation, il ne faut guère être surpris des difficultés rencontrées par EDF : EDF est en effet considérée comme riche par des partenaires plus intéressés, semble-t-il, par le casino que par le nucléaire. Chacun a pu lire dans la presse française de gros titres sur le fiasco, la Berezina américaine d’EDF ou le Requiem de l’EPR. On saura prochainement ce qu’il en est réellement.

En Belgique : peu de choses nouvelles. Pas de gouvernement, pas de décision sur l’avenir du nucléaire…mais, oh surprise, relance de l’idée de prélever une taxe spéciale sur le nucléaire comme en 2008 et comme en 2009. La finalité est toujours la même : capter la rente de la filière nucléaire sans que l’avenir de celle-ci ne soit éclairci. Les vaches à lait sont elles aussi toujours les mêmes : GDF SUEZ, EDF Belgium, E.on et SPE-Luminus. Les élus soulignent que le montant est peu élevé par rapport aux profits considérables…et qu’ils auraient dû revenir aux consommateurs finaux !

Au Royaume Uni : comme un peu partout, les choses vont lentement, l’autorité de sûreté notamment y prend son temps. Par ailleurs le changement de gouvernement et tout particulièrement la nomination au poste de ministre de l’Energie et du Changement climatique du Lib-Dem, Chris Huhne, qui a toujours exprimé des réserves à l’égard du nucléaire et la relance lancée par les Travaillistes, n’était pas pour rassurer nos amis d’EDF et d’AREVA ou leurs concurrents.

Or, voilà que ce ministre vient de barrer la route de l’énorme projet d’usine marémotrice à l’embouchure de la Severn tout en indiquant sa volonté de renforcer l’assise juridique du processus de construction de nouveaux réacteurs sur 8 sites et en affirmant que le nucléaire avait toute sa légitimité au Royaume-Uni. Tout n’est pas réglé bien sûr, mais l’horizon s’éclaire par ailleurs on annonce que les budgets destinés au nucléaire ne seraient pas affectés par le plan d’austérité.

Comme quoi, il y toujours un coin de ciel bleu quelque part !

Bernard Lenail